Le Burkina Faso traverse une crise sécuritaire depuis 2015. Quelle peut être la contribution du théâtre à la recherche de la paix ? Pour répondre à cette question, une équipe de Sortir.bf est allé à la rencontre de Wendmi Hyacinthe Kabré, artiste-comédien, diplômé de la filière art dramatique de l’Université Joseph Ki-Zerbo, membre du théâtre de la fraternité, l’homme est pieds et poings liés dans la pratique théâtrale et artistique.
Que peut l’art par rapport à la situation que nous vivons ? A cette interrogation Hyacinthe Wendmi Kabré répond que le théâtre permet de mobiliser des hommes en un endroit. « Lorsque le spectacle se joue, il y a des gens qui regardent en direct, en live, ce sont des moments de rencontre et d’échanges. Donc après un spectacle, il y a des échanges qu’on peut avoir dans les communautés afin qu’elles puissent donner leurs points de vue sur ce qu’elles pensent de la situation, du vivre ensemble, de la cohésion », explique-t-il. Selon lui, il est possible de développer aujourd’hui pour le Burkina Faso qui est en guerre des outils pour magnifier tous ceux qui sont en train de se battre, pour raconter des histoires singulières des gens qui ont fait preuve de courage à travers les différents fronts. « C’est ça qui va stimuler les gens, l’émotion qu’on va mettre, l’ingéniosité qu’on va mettre en racontant ces histoires-là qui va faire qu’on va se projeter dans ces gens », déclare le metteur en scène. « Aujourd’hui dites-moi pourquoi dans nos imaginaires les Etats-Unis, les chinois sont les plus forts, les plus puissants en dehors de leurs économies. Cela veut dire que déjà petit on a montré dans nos têtes que les américains sont plus puissants, que les chinois sont plus puissants. Parce qu’on sait que si on prend un groupe d’américains, il y a Rambo qui va venir ou ceci qui va venir faire ça. C’est par là que la culture et les arts arrivent à conquérir le monde », soutient l’acteur qui renchérit sur le fait que « le drame ce n’est pas ceux qui traversent la mer pour aller en occident mais c’est tous ceux qui sont en Afrique et qui sont partis dans la tête ». Et comment ils sont partis dans la tête ? « C’est à travers tous ce qu’on leur a montrés, fait entendre à la radio, à la télé à travers les œuvres », répond-il.
Le professionnel de théâtre est convaincu que si l’on accorde une grande place à la culture et aux arts avec beaucoup plus de sérieux et de moyens, en 10 ou 15 ans le Burkina Faso va rattraper un grand retard. « Aujourd’hui il y a combien de personnes qui se plaignent du fait qu’à la télévision il y a des choses qu’on diffuse et qui sont nuisibles à leurs enfants. Mais nous, qu’est-ce que nous faisons pour que ce qui est diffusé soit pour nous en tant qu’Africain et soit pour le bien de nos enfants ? On est assis et on est en train de mener un grand combat, c’est vrai qu’il y a le combat de l’instant mais les gens ont déjà préparé l’après parce que tous ces enfants qui sont en train d’être saturés par les croyances, la façon de voir du monde des autres, ils sont déjà en avance. Comment nous on développe nos outils, c’est de ça qu’il s’agit et je crois que c’est le rôle de l’art aussi », souligne-t-il.
Wendmi Hyacinthe Kabré ajoute que cela ne passe pas nécessairement par le rejet des autres cultures mais par l’affirmation de soi. Et pour y arriver, il affirme que tous les acteurs doivent mettre la main à la patte, pas seulement l’Etat.
De Emmanuel GOUBA